SeeVeniceAndDie [ retour ] Ce poème-programme ou p[r]o[g]ème, est autant Vidéème, Textème, Softème que Vidjème. Sa limite est ce qui en lui, porte encore de mon vouloir. Sa force, elle, naîtra je l'espère, d'un atome perclus, d'un fragment oublié, d'un fragile imprévu, d'un gracile étonné, d'un battement de tes cils ? Elle naîtra je l'espère entre ton désir, lecteur, et mon inquiétude à faire naître "quelque chose". Dans cet inframince où on ne dit rien si on n'y a pas éprouvé son risque, dans lequel il ne se joue rien si ce n'est Thanatos avec Eros qu'on devine à l'oeuvre, entre les plis. Il trouve à mes yeux un écho esthétique particulièrement vif dans le salutaire manifeste d'Ars Industrialis - qui fait sien ce mot de Claudel : "Il faut qu'il y ait dans le poème un nombre tel qu'il empêche de compter" - et qui tente de nous alerter sur les dangers d'une "massification des comportements de production et de consommation [qui] bloque l'accès à ces technologies pour toute autre finalité." Je crois comme les signataires de cet appel qu'il nous faut entrer en résistance et investir de toutes les manières possibles la création et la manifestation de nos subjectivités... Le code exhibé, le code comme poésie, participe pleinement à mon sens de cette résistance. En retournant le code vers l'espace du lisible, nous désactivons l'opacité du programme et le faisons bégayer, lui permettant à son tour une manifestation symbolique et sensible. C'est là ce que j'entends par "agent poétique autonome" : une pensée de l'entre deux, s'écrivant entre la machine et l'auteur. SeeVeniceandDie est né de cette pensée métisse, hybride, plurielle, ayant cherché à comprendre la différence à l'autre, même machinique. Comprendre, dans le sens de « porter avec soi », de faire sien. On trouve des sources et filiations dans la douzaine de poèmes cinétiques réunis sous le nom de "First Screening" de bpNichols (1984) qu'on peut voir en pas moins de quatre médias différents dont une pour émulateur Apple II, machine sur laquelle il tourna pour la première fois. Cet ensemble fut édité à 100 exemplaires sur disquettes 5.25" souples par les éditions Underwitch [ fiche elmcip ]. Il y a eu entre temps de nombreuses variations de cette forme d'écritures. En septembre 2002, le Whitney Museum of American Art a réuni sous le nom de CODeDOC, des travaux placant l'exhibition du code au coeur de leur démarche. Plus près de nous, celles, immanquables, du collectif Jodi (Joan Heemskerk (Netherlands) et Dirk Paesmans (Belgium). Plus près encore, celles de l'excellent BlueScreen (anonyme) oeuvrant, lui aussi essentiellement sur le net. Stewart Smith a réalisé "Jed's Other Poem (Beautiful Ground)" en septembre 2005, merveille de poème-programme tournant également sur l'émulateur Apple II, sur une musique du groupe Grandaddy, cédée rétrospectivement et gratuitement à l'auteur - très inspiré - du poème. J'ai découvert avec joie lors d' e-poetry 2007 que mon "agent poétique autonome", co-auteur de SeeVeniceAndDie avait un alter ego : le "computer aided poetry" de Eugenio Tisselli... |